A la lune
La pleine lune hier soir était des plus belles. Hélas ma photo n'a pas la qualité suffisante. On peut deviner cependant quelle magie elle exerce depuis toujours sur les poètes.
J'ai eu parfois l'insigne honneur de présenter des concerts de chant lyrique, et pour un public qui ne maîtrise pas toujours la langue allemande. Il me revenait donc de donner la traduction de quelques vers - les plus beaux et les plus significatifs - des Lieder annoncés.
L'an dernier le thème en était "Nuit et Clair de lune", les mêmes chanteurs cette année illustraient "Nature et Romantisme". Je ne saurais évoquer ici tous les poèmes qui ont inspiré les maîtres de la mélodie et du Lied. Naturellement ce sont toujours Schubert, Schumann, Brahms, Fauré, Debussy, Poulenc... pour ne citer que les compositeurs les plus célèbres.
J'ai dû pour mes différentes présentations retrouver les textes allemands des Lieder et parfois les traduire. C'est ainsi que j'ai redécouvert un poète dont je connaissais bien peu de chose, Ludwig Hölty, de Göttingen, au XVIIIème siècle. Brahms a mis en musique le poème "Die Mainacht", Nuit de mai".
Wann der silberne Mond durch die Gesträuche blinkt..."
...
Quand la lune d'argent cligne au travers des buissons
Et sème sur le gazon sa lumière ensommeillée,
Et que le rossignol module,
J'erre, triste, de bosquet en bosquet.
Un couple de colombes caché sous la ramée
Me roucoule son ravissement,
Mais je m'écarte et cherche l'obscurité,
Et alors ruisselle une larme solitaire.
Quand, ô image souriante, qui m'illumine l'âme comme l'aurore,
Quand vais-je te trouver sur terre?
Et ma larme solitaire frémit et tombe brûlante sur ma joue.
Hölty (1748-1776) a vécu si peu de temps, 28 ans avant que la phtisie ne l'emporte.
Sur sa tombe, au cimetière St-Nicolas de Hannover on peut lire au pied du monument érigé en 1901 ces vers de Lenau :
Hölty, ton ami le Printemps est venu,
Il erre en gémissant pour te retrouver dans le bocage.
Mais son appel plaintif résonne en vain dans l'ombre solitaire.
Je ne sais pourquoi le lyrisme allemand m'émeut à ce point.
Est-ce parce que les livres d'allemand de ma jeunesse s'accompagnaient de gravures romantiques qui me faisaient rêver - j'ai tant aimé les œuvres de Ludwig Richter - ?
Sûrement aussi parce que l'enseignement des langues étrangères ne négligeait ni la littérature, ni les chants que j'aimais très fort.
Et les gravures de Ludwig Richter devaient nourrir la mélancolie de l'enfant qui rêvait de ses paysages romantiques !