Tant l'on crie Noël qu'il vient.

Publié le par P@ule

Depuis le temps de François d'Assise  se construit la crèche de Noël.

Depuis le temps de François d'Assise se construit la crèche de Noël.

   Le 24 décembre 1223, François décida de fêter Noël à Greccio dans une grotte où était son ermitage. Il y fit installer une mangeoire garnie de paille, un âne et un bœuf furent conduits là. Un prêtre y dit la messe. Des villageois sillonnaient les sentiers de la montagne, flambeau en main. François lut l'Evangile de la Nativité. Chants religieux, douceur des lumières, ce fut la première crèche et la première messe de minuit.

Nativité, sculptée sur la jouée gauche des stalles du XIVe siècle de Bar-le-Régulier (21430)

Nativité, sculptée sur la jouée gauche des stalles du XIVe siècle de Bar-le-Régulier (21430)

    Je me souviens d'un écrit du père Pierre Pivert ( né en 1910 ), ancien professeur d'histoire et philosophie  au petit séminaire de Flavigny, puis chanoine de la cathédrale St.-Bénigne de Dijon, qui rapportait les paroles de sa mère : "Le père Noël n'est pas riche cette année."

   Au moment où la radio annonce que l'on s'endette pour l'achat de cadeaux, il est bon de se rappeler l'orange de Noël.

C'est la pomme d'or qui illumine le temps d'hiver

C'est la pomme d'or qui illumine le temps d'hiver

Le soir de Noël, quand j'avais huit ans, je courais, quelques sous en main donnés par ma mère, à la rencontre d'une épicerie. Mon trésor ne devait payer que la plus belle orange. Je bondissais chez Fichepoil, courais chez Falet, revenais encore chez Fichepoil. Qui dira ce que peut être dans un enfant l'intensité du désir et sa certitude de toucher bientôt au bonheur ? C'est ce désir et cette certitude qui ne doivent pas être trompés, et un Dieu naissait cette nuit-là précisément pour les combler.
Je revenais un peu avant minuit portant dans une main une admirable orange enveloppée d'un papier de soie, dans l'autre un sac de chocolats à faveur rose. La distribution de chocolats, la messe de minuit, la visite à la crèche, puis la fête qui s'éteint.
Je regardais ma belle orange. Et voici ce qui, rituellement, arrivait ; ma mère la tirait de son papier de soie : tous deux nous en admirions la grosseur, la rondeur, l'éclat : je prenais dans le buffet un de ces beaux verres à pied en cristal qu'on achetait alors dans les foires (...) je le renversais, le mettais à droite, au bout de la cheminée, et ma mère posait dessus la belle orange. La pomme d'or prenait ainsi sa place parmi tous nos fétiches (...) Pendant des mois, elle nous assurait par ses belles couleurs que le bonheur et la beauté étaient de ce monde. Quelquefois je la palpais, je la tâtais. Il m'arrivait d'insinuer qu'elle serait bientôt mûre.
- Attendons encore ! répondait ma mère. Quand nous l'aurons mangée, qu'est-ce qui nous restera ?
Nous attendions. En avril ou mai, il fallait la jeter, parce qu'elle était gâtée. Je n'ai jamais mangé l'orange de Noël. Triste fin pour cet objet de désir et de convoitise ! (...) Toujours, dans ma pensée, la nuit de Noël devra sa grandeur à ces souvenirs que j'ai rapportés, et il m'arrive souvent de songer au bonheur comme à une belle orange de Noël qu'il faudrait partager entre tous les hommes pour que r
éellement ils la mangent.

Jean GUÉHENNO
(1880-1976)
Changer la vie.

Tant l'on crie Noël qu'il vient.

George Sand évoque la même magie de Noël

Mon premier regard était pour mon soulier, au bord de l'âtre. Quelle émotion me causait l'enveloppe de papier blanc ! ... Je courais, pieds nus, m'emparer de mon trésor. Ce n'était jamais un don bien magnifique car nous n'étions pas riches. C'était un petit gâteau, une orange, ou tout simplement une belle pomme rouge. Mais cela me semblait si précieux que j'osais à peine le manger.
George Sand
Histoire de ma vie.

La veillée est du domaine des villages et pour celle de Noël on choisit dès longtemps une bûche énorme.

La veillée est du domaine des villages et pour celle de Noël on choisit dès longtemps une bûche énorme.

Noël ne sera jamais un jour comme les autres ; Noël, c'est la veillée, c'est la messe de minuit, c'est le réveillon...
Mon père posait sur les chenets le tronc de pommier, la lourde souche de charme ou de noyer qui attendait depuis des mois. Je l'entends qui sonne contre la taque, je la vois, noueuse et bossue, avec ses mousses et son écorce crevassée.
On fait cercle autour du feu, les femmes à bonne distance, avec l'aiguille ou le tricot, les hommes tisonnant, les enfants buvant de tous leurs yeux la féerie des étincelles...
Quelle étrange musique, ces cloches dans la nuit ! On se hâte de garnir les chaufferettes et de couvrir le feu,... et l'on s'en va vers l'église, laissant dans la maison la flamme palpitante qui dit à travers la vitre : " Je suis là, je vous
attends !"

Joseph Cressot (1882-1954)

Le Pain au Lièvre

Vers la messe de minuit...

Vers la messe de minuit...

La messe de minuit, c'eût été le froid tombant sur les épaules et mordant les orteils, c'eût été, sans la crèche, pénitence et déception. Mais la crèche était là, la crèche que les dames du château dressaient à la droite du chœur. Quand je poussais la petite porte, cela le sautait aux yeux et ne me lâchait plus. Des rochers gris et bruns, à grande cassure, faisaient une grotte à la fois sombre et claire. De grands sapins l'abritaient, tout saupoudrés d'une neige miroitante. Dans un halo de lumière, le bœuf, fauve et l'âne gris soufflaient leur haleine ; Joseph et Marie à genoux se faisaient vis-à-vis. Couché sur la paille dorée et bien rognée de son berceau, le petit Jésus levait ses genoux et tendait ses bras. Perdus dans les branches, des feux rouges, bleus, violets faisaient un ciel plus beau que le vrai ciel, en ce moment tout scintillant d'étoiles.

Joseph Cressot (ibid.)

Avec le souvenir des Trois Messes basses de Daudet

Avec le souvenir des Trois Messes basses de Daudet

Dehors, le vent de la nuit soufflait en éparpillant la musique des cloches, et, à mesure, des lumières apparaissaient dans l'ombre aux flancs du mont Ventoux, en haut duquel s'élevaient les vieilles tours de Trinquelage. C'étaient des familles de métayers qui venaient entendre la messe de minuit au château ... La nuit était claire, les étoiles avivées de froid, la bise piquait, et un fin grésil, glissant sur les vêtements sans les mouiller, gardait fidèlement la tradition des Noëls blancs de neige.
Alphonse Daudet (1840-1897)
Les Lettres de mon Moulin

J'​ai écrit quelques contes de Noël, un dans chacun de mes quatre recueils ; j'ai toujours eu en tête l'atmosphère inoubliable que Daudet a su créer dans ses Trois messes basses ! Daudet était du programme de Cinquième au moment où l'imagination des enfants est si vive.

Publié dans Litterature

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Y
Pour prolonger cette belle page de Paule, je me permets d'y joindre un petit article publié par H.P. Blavatsky en mars 1891, d’après un article du Dr. Kaygorodoff dans le Novoye Vremya.<br /> L’origine de l’Arbre de Noël1<br /> LA coutume des arbres de Noël est une institution très récente. C’est depuis peu seulement qu’elle s'est établie non seulement en Russie, mais aussi en Allemagne, d'où elle s'est répandue partout dans le Nouveau et l'Ancien Mondes. En France l'arbre de Noël ne fut adopté qu’après la guerre franco-allemande dans les années qui suivirent 1870. Selon les chroniques allemandes, la coutume d'illuminer les arbres de Noël, telle que nous la trouvons en Allemagne, fut établie il y a environ cent ans. Elle pénétra en Russie vers 1830 et fut bientôt adoptée dans tout l'Empire par les classes les plus riches. <br /> Il est très difficile de retracer l'histoire de cette coutume. Son origine appartient sans aucun doute à la plus haute antiquité. Les sapins ont toujours été en honneur parmi les anciens peuples de l’Europe. Comme arbres à feuilles tenace, et en tant que symboles d'une végétation immortelle, ils étaient consacrés aux divinités de la Nature, telles que Pan, Isis et d'autres. Selon une ancienne tradition populaire, le pin naquit du corps de la nymphe Pitys2 (le nom grec de cet arbre), la bien-aimée des dieux Pan et Boréas.<br /> Pendant les fêtes du printemps, on apportait au temple décoré de violettes odorantes, des sapins offerts en l'honneur de la grande déesse de la Nature.<br /> Les anciens peuples du Nord de l'Europe avaient un respect semblable pour le pin et le sapin en général, et les employaient fréquemment dans leurs fêtes. Ainsi, par exemple, c' est un fait bien connu que les prêtres païens de l'ancienne Allemagne tenaient en main des branches de pin abondamment ornées lorsqu'ils célébraient la première étape du retour du soleil vers l'équinoxe vernal. Et ceci montre combien il est probable que la coutume, devenue maintenant chrétienne, qui consiste à illuminer des arbres de Noël, n'est qu'un écho de la coutume païenne qui considérait le pin comme un symbole d'une fête solaire, le précurseur de la naissance du Solei1. Il semble bien que lorsque l'Allemagne chrétienne r adopta, elle lui donna une forme nouvelle et pour ainsi dire, chrétienne (1). De là proviennent ces fraîches légendes— qui, comme c'est le cas habituel, expliquent à leur façon, l'origine de l'ancienne coutume. Nous en connaissons une d'une admirable poésie dans sa simplicité charmante, qui expliquerait l'origine de la coutume universellement répandue de nos jours, consistant à orner les arbres de Noël de bougies allumées.<br /> Près de la grotte où naquit le Sauveur du monde, poussaient trois arbres : un pin, un olivier et un palmier. En cette nuit sainte, où l'étoile-guide de Bethléem parut au ciel, — cette étoile qui annonçait au monde souffrant depuis longtemps, la naissance de Celui qui apportait à l'humanité la bonne nouvelle d'une espérance heureuse — toute la nature se réjouit, et, dit-on, porta aux pieds de l'enfant-Dieu ses dons les meilleurs et les plus saints.<br /> Entre autres, l'olivier qui croissait à rentrée de la grotte de Bethléem, offrit ses fruits dorés ; le palmier présenta à l'Enfant sa voûte verdoyante et ombragée, pour le protéger de la chaleur et de la tempête ; seul, le pin n'avait rien à offrir. Le pauvre arbre, triste et désolé, s'efforçait vainement de trouver ce qu'il pourrait apporter comme don au Christ-Enfant. Ses branches s'abaissaient lamentablement, et l'ardeur intense de son chagrin finit par faire jaillir de son écorce et de ses branches, un flot de chaudes larmes transparentes, dont les larges gouttes résineuses tombèrent drues tout autour de l'arbre. Une étoile silencieuse, scintillant à la voûte bleue du ciel perçut ces larmes ; et aussitôt, s'étant concertée avec ses voisines, voici qu'un miracle se produisit. Des foules d'étoiles filantes tombèrent en une averse énorme sur le pin qui, bientôt, étincela et scintilla depuis sa base jusqu'à la moindre de ses aiguilles. Alors, tremblant d'une émotion joyeuse, le pin releva fièrement ses branches pendantes, et parut pour la première fois, aux yeux d'un monde étonné revêtu d'une clarté éblouissante. Depuis lors, nous dit la légende, les hommes ont coutume d'orner les pins, le soir de Noël d'innombrables bougies allumées.
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B
Un bloc très émouvant en cette période de Noël. Textes ciselés et images somptueuses
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P
Vous décrivez, avec des textes émouvants, la belle histoire de Noël depuis son origine et, comme vos contes, votre récit est merveilleusement illustré. Et je suis heureux de voir citée la grande George Sand :-) Je pense aussi au "Château de ma mère" du prodigieux réalisateur Yves Robert qui met en scène "la" Noël dans les chères collines du petit Marcel, où la douce maman, Augustine, dévoile la table couverte de fruits et de desserts de Provence ... Un vrai bonheur que me fait regretter mon époque parfois, souvent ... Noël, religion de l'amour ...
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A
Merci Paule de ces rappels historiques et litteraires autour de Noel et de sa creche. Cest assurement un moment de paix et de joie, simple et magique!<br /> Jen profite pour me rapprocher de vous et vous souhaiter à toi , Bernard, Sylvaine et Xavier avec le meme esprit et tres chaleuresement tous nos voeux. Alfred et Helene
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S
Oh merci.. Ces textes font rêver, car ils font naître la magie dans la simplicité - c'est bien le propre de la crèche - comme ce petit enfant merveilleux né dans la plus profonde modestie. On pourra dire qu'on s'habitue à tout, autant à la laideur qu'à la beauté, autant à l'adversité qu'au confort, autant au tapage qu'à la solitude, on aura raison. C'est l'incroyable souplesse de l'âme humaine, capable d'efforts assez constants pour imaginer l'issue de l'enfer, mais capable aussi des plus bêtes concessions à la corruption. L'orange extraordinaire d'autrefois, gage de joies douces inconnues, est aujourd'hui pelée en deux temps-trois mouvements, et la peau à la poubelle. C'est plein de vitamines et bon pour mon capital énergétique. Ce fruit merveilleux, rendu accessible à tant de gens qui en rêvaient, on s'y est habitué. On s'est habitué à avoir chaud quand il fait froid, à choisir les plus belles choses, pour mieux s'en défaire ensuite, le jour de la disgrâce venu, à acheter cher les cadeaux représentatifs de son pouvoir d'achat, à illuminer grassement les maisons de guirlandes électriques. L'artifice social fait son ouvrage. Mais il y a ces textes, inoubliables, ineffaçables, qui restituent sa lumière naturelle à Noël. Et peut-être, peut-être la solitude, alors, est-elle son meilleur hommage?
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P
Chère Elisabeth, fidèle, l'orange de Noël est le symbole de la vie d'autrefois : ordinaire et extraordinaire ne pouvaient se confondre et gardaient chacun leur valeur. Si le sel vient à s'affadir...<br /> En ce qui concerne le climat, j'aime rappeler que Mme de Sévigné écrivait : "Il n'y à plus de saisons."
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É
Merci Paule pour ces belles évocations de Noël embellies par les écrivains et les artistes peintres.<br /> À chaque Noël me revient le souvenir de ma grand mère qui disait n'avoir connu que l'orange pour cadeau précieux à ses yeux d'enfant. La neige envahissait les campagnes de la Bresse et ce fruit apparaissait comme un trésor d'or scintillant devant les flammes de la cheminée.<br /> <br /> Aujourd'hui il n'y a plus de neige à cette époque du début de l'hiver, nous subissons les revers du changement de climat...l'orange est devenue non plus un trésor mais un fruit banal que tout le monde peut se procurer....Plus de rêveries au coin de la cheminée.....<br /> Et le "clou " que l'on veut enfoncer dans les têtes avec l'interdiction des crèches!!! <br /> Heureusement il y a ici en Provence les "irréductibles " les "fanatiques" "des crèches qui embellissent les églises et nous font rêver à la naissance de celui qui sauvera le monde! <br /> Joyeux et Saint Noël à tous dans la joie e Jésus !
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