Adieu, plaisant pays de France...

Publié le par P@ule

Marie Stuart, 13 ans, peinte par François  Clouet en 1555

Marie Stuart, 13 ans, peinte par François Clouet en 1555

Elle est un personnage secondaire du roman de Mme de Lafayette La Princesse de Clèves. Le récit, écrit en 1678, renvoie le lecteur au siècle précédent à la cour de France, au temps des rois Henri II et François II pendant les années 1558-1560. Jean Delannoy en a tiré un film d'une rare beauté. Jean Cocteau en avait écrit le scénario. Marina Vlady en fut l'exceptionnelle interprète

Marina Vlady dans une robe Renaissance pour une reconstitution historique de 1960

Marina Vlady dans une robe Renaissance pour une reconstitution historique de 1960

Renée-Marie Potet était la reine dauphine, c'est-à-dire l'épouse du Dauphin François

Renée-Marie Potet était la reine dauphine, c'est-à-dire l'épouse du Dauphin François

L'histoire nous apprend que Marie Stuart était fille de Marie de Lorraine, de la famille des Guise, et de Jacques V d'Ecosse - Stewart. Née le 8 décembre 1542, elle est reine d'Écosse 6 jours après, à la mort de son père. Petite-fille de la sœur de Henry VIII, elle est aussi héritière du trône d'Angleterre.

Or ses oncles Guise et sa mère la fiancent au dauphin de France, François, fils de Henri II et de Catherine de Médicis. Elle sera donc élevée au Louvre et à St-Germain comme future reine de France. Elle apprend la musique, la danse, la poésie que lui enseigne Ronsard. Et le latin, et l'italien... Cette jeunesse de 1548 à 1557 a fait d'elle une femme cultivée à la française selon le désir du roi Henri II.

Le mariage fut cébré à Notre-Dame de Paris le 24 avril 1558. Le dauphin n'a que 14 ans et Marie à peine 16. Le dauphin est d'une santé fragile.

Le futur François II, portrait de François Clouet.

Le futur François II, portrait de François Clouet.

Un an plus tard survient la tragédie du tournoi du 30 juin 1559 où le roi Henri II reçoit la lance de Montgomery dans l'œil. Il en mourra le 10 juillet dans les plus grandes souffrances.

Marie Stuart en tenue de deuil blanc après la mort de Henri II

Marie Stuart en tenue de deuil blanc après la mort de Henri II

La voici désormais reine de France. François est couronné le 18 septembre, après qu'on dut repousser la cérémonie d'un jour, tant sa santé était chancelante.

Et puis, après avoir pris froid lors d'une chasse en forêt dOrléans, le roi François II meurt le 5 décembre 1560. Marie écrit un long poème sur la mort de François dont :

Si, en quelque séjour,

Soit en bois, ou en pré,

Soit à l'aube du jour

Ou soit à la vesprée,

Sans cesse mon cœur sent

Le regret d'un absent...

Or sa mère Marie de Guise était morte le 12 juin de la même année. Les oncles Guise la poussent donc à retourner en Écosse, après son veuvage. Brantôme raconte ce départ :

Comme elle voulait sortir du port et que les rames commençaient à se laisser mouiller, elle y vit entrer une nef en pleine mer et tout à sa vue s'enfoncer devant elle et se périr et la plupart des mariniers se noyer. Elle s'écria incontinent. Ha ! Mon Dieu ! Quel augure de voyage est ceci ?...Elle s'appuye les deux bras sur la pouppe de la galère et se mist à fondre en grosses larmes, jetant toujours ses beaux yeux sur le port et répétant sans cesse : Adieu France ! Adieu France !

J'ai évoqué précédemment les lieder composés par Schumann sur les poèmes de Marie Stuart et particulièrement son adieu au pays de France :

Adieu, plaisant pays de France,

Ô ma patrie la plus chérie,

Qui as nourri ma jeune enfance ;

Adieu, France ! adieu, mes beaux jours !

La nef qui disjoint nos amours

N'a cy de moi que la moitié ;

Une part te reste, elle est tienne.

Je la fie à ton amitié

Pour que de l'autre il te souvienne.

Adieu, plaisant pays de France...

Sa vie n'est plus alors qu'une suite d'arrestation, d'emprisonnement, de soupçons de complot au temps des luttes entre protestants et catholiques. Elle s'évade, se réfugie en Angleterre où sa cousine Elizabeth l'emprisonne en 1568. Elle sera exécutée le 8 février 1587, malgré les lettres suppliantes qu'elle adresse à sa cousine, criant son innocence.

Son bourreau était ivre. Il dut s'y reprendre à 3 fois pour la décapiter à la hache. Voulant présenter la tête, il ne saisit que la perruque, la tête tomba au sol.

Elle fut inhumée à Westminster et non à Reims comme elle l'avait demandé.

Portrait de Marie exilée en Angleterre.

Portrait de Marie exilée en Angleterre.

Sonnet

Que suis-je, hélas ! et de quoi sert ma vie ?

Je ne suis fors qu'un corps privé de cœur

Une ombre vaine, un objet de malheur,

Qui n'a plus rien que de mourir envie.

Plus ne portez, ô ennemis, d'envie

A qui n'a plus l'esprit à la grandeur,

Ja consommé d'excessive douleur,

Votre ire en bref se verra assouvie.

Et vous, amis, qui m'avez tenue chère,

Souvenez-vous que sans heurt, sans santé,

Je ne saurais aucun bon œuvre faire.

Souhaitez donc fin de calamité

Et que ci-bas, étant assez punie,

J'aye ma part en la joie infinie.

Statue de Marie Stuart dans le jardin du Luxembourg

Statue de Marie Stuart dans le jardin du Luxembourg

Ultime lettre au roi de France Henri III :

... Je mesprise la mort & fidèlement proteste de la recevoir innocente de tout crime ...

Publié dans Histoire et litt

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F
il est difficile de trouver des photos de Renée-Marie Potet, morte si jeune. Merci.
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P
Je redécouvre ce visage tiré de la filmographie de La Princesse de Clèves : un front pur, un regard profond, une mélancolie qui assimilait sa propre destinée à celle de Marie Stuart. Elle devait avoir 20 ans, puisque la vie ne lui en a pas accordé beaucoup plus. De sa biographie je ne sais rien. Il nous reste le film, ce visage. Merci en retour, Françoise.
S
Je ne parvenais pas à l'ouvrir par mail, c'est chose faite grâce à Facebook. Bravo pour le résumé efficace de cette extraordinaire vie...
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