France, mère des arts, des armes et des lois,

Publié le par P@ule

Joachim Du Bellay (1522-1560)

Joachim Du Bellay (1522-1560)

France, mère des arts, des armes et des lois,

Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle ;

Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,

Je remplis de ton nom les antres et les bois.

*

Si tu m'as pour enfant avoué quelquefois,

Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?

France, France, réponds à ma triste querelle.

Mais nul, sinon Echo, ne répond à ma voix.

*

Entre les loups cruels j'erre parmi la plaine ;

Je sens venir l'hiver, de qui la froide haleine

D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

*

Las ! Tes autres agneaux n'ont faute de pâture,

Ils ne craignent le loup, le vent, ni la froidure :

Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

Regrets,IX.

Ces arbres secs qui cherchent encore la lumière.

Ces arbres secs qui cherchent encore la lumière.

C'est cette vision des deux arbres secs, tout près de la route de Dijon à Autun, tendus vers le ciel comme deux mains de suppliants, qui fait renaître invariablement en ma mémoire ce sonnet de Joachim Du Bellay. Une supplication pour que soit rendue, à ceux qui aiment la belle France, tout ce qu'elle porte de grand, de beau, de noble et de juste.

Du Bellay avait cru accomplir son rêve d'humaniste en accompagnant son oncle le cardinal Jean Du Bellay, ambassadeur à Rome. Ce temps bref nous a valu le beau recueil des Antiquités de Rome (1558). Mais la déception s'est vite imposée. L'oncle dépensait sans compter et le neveu se débattait avec les créanciers !!!

De cette époque est né l'autre recueil Les Regrets (1558) où s'exprime toute la nostalgie du poète exilé, cependant que son ancien condisciple Ronsard reçoit les honneurs à la cour de Henri II.

Le nom plein de douceur de France revient trois fois, et en début de vers, avec sa voyelle longue et ses sonorités douces.

Mais surtout me touche le dernier vers - qu'on appelle la chute du sonnet.

Et si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

comme un appel à une reconnaissance de sa qualité poétique ... avec une fierté triste.

France, mère des arts, des armes et des lois,

Il était né en Anjou, près de Liré au château de La Turmelière, aujourd'hui détruit, en 1522. Il avait suivi à 21 ans les cours de l'humaniste Dorat au Collège de Coqueret avec Ronsard et Baïf. Il meurt quelque six mois après l'accident tragique de Henri II en 1569 ou en 1560 : dans la nuit du 31 décembre - à 37 ans - devant sa table de travail ; comme beaucoup plus tard Jean-Sébastien Bach, la plume à la main.

France, mère des arts, des armes et des lois,

Publié dans Poème

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P
Superbe ! Vous évoquez aussi Bach et m'avez donné envie d'écouter l' "Aria" qui accompagne si bien les Regrets
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P
Bravo Isabelle ! Sur iPhone le clavier est tout petit et j'ai touché le 6 au lieu du 5 ! <br /> Du Bellay est mort entre 1559 et 1560, dans la nuit du 31 décembre.<br /> Pardon aux lecteurs ! Merci pour cette correction.<br /> Philippe essaie d'intéresser d'autres publics à La Fontaine où tu as si élégamment accompagné ses fables en musique.
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F
Oh quel doux sonnet et si triste à la fois... Merci Paule pour ces fruits arrivés avant l'été, qui bercent notre esprit pour commencer la journée!<br /> Il y a une petite coquille: Du Bellay a dû mourir en 1569 ou 1570, comme une autre personne que j'ai connue, décédée aussi un 31 décembre (1985).
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