Jacquemart bat sa femme...
Le Clair de Lune
Réveillez-vous, gens qui dormez,
Et priez pour le trépassés.
Le cri du veilleur de nuit
Oh! qu'il est doux, quand l'heure tremble au clocher, la nuit, de regarder la lune qui a le nez fait comme un carolus d'or !
*
Deux ladres se lamentaient sous ma fenêtre, un chien hurlait dans le carrefour, et le grillon de mon foyer vaticinait tout bas.
Mais bientôt mon oreille n'interrogea plus qu'un silence profond. Les lépreux étaient rentrés dans leurs chenils, aux coups de Jacquemart qui battait sa femme.
Le chien avait enfilé une venelle, devant les pertuisanes du guet enrouillé par la pluie et morfondu par la bise.
Et le grillon s'était endormi, dès que la dernière bluette avait éteint sa dernière lueur dans la cendre de la cheminée.
Et moi, il me semblait,-- tant la fièvre est incohérente ! - que la lune, grimant sa face, me tirait la langue comme un pendu !
Aloysius Bertrand
Gaspard de la Nuit III,5
Dijon doit cet automate au duc de Bourgogne Philippe le Hardi qui l'avait tout simplement pris à Courtrai en 1382. Il sera installé sur une tour de Notre-Dame de Dijon tout près de l'horloge qui l'anime pour frapper une cloche. Ce grand bonhomme est seul encore et ne reçoit son prénom de Jacquemart que 75 ans plus tard, en 1458.
Jacqueline sera l'épouse donnée à l'automate au moins 2 siècles et demi plus tard. Puis il faudra attendre quelque 170 ans pour que vienne un fils Jacquelinet.
La famille sera complète plus d'un demi-siècle encore après en 1884 avec l'installation de Jacquelinette qui sonne les quarts d'heure avec son frère.
Un mot aussi d'Aloysius Bertrand poète et journaliste dijonnais : il est le fils d'un lieutenant de gendarmerie peut-être originaire de Saulieu. Ancien élève du Collège royal de Dijon, il créa le poème en prose avec Gaspard de la Nuit. Mais, malchanceux dans ses affaires, il vit dans la misère à Paris et meurt tuberculeux en 1841. Son œuvre sera publiée en 1842.