Au temps des paroles ailées
Il était le poète aveugle dont 7 cités d'Ionie se disputaient l'honneur de l'avoir vu naître.
A ses héros de l'Iliade et de l'Odyssée il prête ce qu'il nomme des paroles ailées (épéa ptéroenta), qui jaillissent comme des ailes rapides. Beaucoup plus tard, Platon dira que " la poésie est chose légère, ailée, sacrée".
Et voilà qu'un professeur de Lyon a lancé cette initiative mondiale que le 24 mars l'Odyssée serait lue dans 26 pays en 46 langues par 5000 personnes.
Quelques extraits des deux épopées - que je dédicace à tous les élèves qui n'ont pas eu, qui n'ont toujours pas la chance d'avoir accès au grec et au latin.
Deux épouses que le poète à immortalisées :
Andromaque, femme d'Hector
"Hector, tu es pour moi, tout ensemble, un père, une digne mère ; pour moi tu es un frère autant qu'un jeune époux. Allons ! cette fois, aie pitié ; demeure ici sur le rempart ; non, ne fais ni de ton fils un orphelin, ni de ta femme une veuve...
Le grand Hector au casque étincelant, à son tour, lui répond : Tout cela, autant que toi j'y songe. Mais aussi j'ai terriblement honte (...) à l'idée de demeurer, comme un lâche, loin de la bataille."
Iliade chant VI
Pénélope, femme d'Ulysse
"Sur cette immense toile, elle passait des jours. La nuit, elle venait aux torches la défaire. Trois années son secret dupa les Achéens. Quand vint la quatrième, à ce printemps dernier, nous fûmes avertis par l'une de ses femmes, l'une de ses complices. Alors on la surprit juste en train d'effiler la toile sous l'apprêt..."
Odyssée chant XVII
L'inoubliable chien Argos au retour d'Ulysse en l'île d'Ithaque :
" Un chien couché leva la tête et les oreilles ; c'était Argos, le chien que le vaillant Ulysse achevait d'élever, quand il fallut partir vers la sainte Ilion, sans en avoir joui. Avec les jeunes gens, Argos avait vécu, courant le cerf, le lièvre et les chèvres sauvages. Négligé maintenant, en l'absence du maître, il gisait, étendu au devant du portail, sur le tas de fumier des mulets et des bœufs où les servants d'Ulysse venaient prendre de quoi fumer le grand domaine ; c'est là qu'Argos était couché couvert de poux. Il reconnut Ulysse en l'homme qui venait et, remuant la queue, coucha les deux oreilles : la force lui manqua pour s'approcher du maître.
Ulysse l'avait vu : il détourna la tête en essuyant un pleur, et, pour mieux se cacher d'Eumée, qui ne vit rien, il se hâta de dire :
- Eumène !... l'étrange chien couché sur ce fumier ! il est de belle race ; mais on ne peut plus voir si sa vitesse à courre égalait sa beauté (...)
- C'est le chien de ce maître qui mourut loin de nous : si tu pouvais le voir encore actif et beau tel qu'Ulysse, en partant pour Troie, nous le laissa (...) pas de meilleur limier ! Mais le voilà perclus ! son maître a disparu loin du pays natal ; les femmes n'ont plus soin de lui.(...)
A ces mots, il entra au grand corps du logis... Mais Argos n'était plus : les ombres de la mort avaient couvert ses yeux qui venaient de revoir Ulysse après vingt ans."
Odyssée chant XVII
Les retrouvailles : Ulysse s'est fait reconnaître :
"Mais Ulysse, à ces mots, pris d'un plus vif besoin de sangloter, pleurait. Il tenait dans ses bras la femme de son cœur, sa fidèle compagne.
Elle est douce la terre, aux yeux des naufragés, dont Poséïdon en mer, sous l'assaut de la vague et du vent, a brisé le solide navire : ils sont là quelques-uns qui, nageant vers la terre, émergent de l'écume ; tout leur corps est plaqué de salure marine ; bonheur ! ils prennent pied ! Ils ont fui le désastre !... La vue de son époux lui semblait aussi douce : ses bras blancs ne pouvaient s'arracher à ce cou.
L'Aurore aux doigts de rose les eût trouvés sans l'idée qu'Athéna, la déesse aux yeux pers, eut d'allonger la nuit qui recouvrait le monde."
Odyssée chant XXIII
(Traductions de Victor Bérard -1854-1931)
L'Aurore aux doigts de rose est le symbole même de ce qu'on nomme "l'épithète homérique"
Tout aussi célèbres : Achille au pied léger, Ulysse aux mille ruses, le divin Ulysse, Nausicaa aux bras blancs, Athéna aux yeux pers ...
Le tableau d'Ingres a été présenté au Salon de 1827.
Aux pieds d'Homère, l'Iliade symbolisée par une épée, l'Odyssée par une rame ; et au premier plan les vieux maîtres classiques : Corneille, Racine, Boileau et Molière.
Mais Ingres, trop classique dans la lignée de David, fut boudé et son Homère eut à peine plus de succès que le Martyre de Saint Symphorien, relégué dans la premiére chapelle de gauche de la Cathédrale St-Lazare d'Autun.