Juin et la fenaison

Publié le par P@ule

Les Très Riches Heures du duc de Berry. Les frères Limbourg, XVe siècle. Musée Condé. Chantilly.

Les Très Riches Heures du duc de Berry. Les frères Limbourg, XVe siècle. Musée Condé. Chantilly.

La littérature parle fort peu - sinon par brèves allusions -  du retour dans le calendrier des travaux des champs. Ainsi le temps des foins, la fenaison, est réputé pénible parce que la météo  le condamne à se faire dans l'urgence. Pourtant Mme de Sévigné en a donné une description célèbre dans une lettre à son cousin Philippe Emmanuel de  Coulanges :

J'envoie tous mes gens faner.. Savez-vous ce que c'est que faner ? Il faut que je vous l'explique : faner est la plus jolie chose du monde, c'est retourner du foin en batifolant dans la prairie ; dès qu'on en sait tant, on sait faner. Tous mes gens y allèrent gaiement ; le seul Picard me vint dire qu'il n'irait pas, qu'il n'était pas entré à mon service pour cela, que ce n'était pas son métier, et qu'il aimait mieux s'en aller à Paris. Ma foi ! la colère me monte à la tête [...] je l'ai pris au mot, [...] et il est parti.

Lettre écrite aux Rochers (Bretagne) le 22 juillet 1671.

L'image que nous donne le Livre d'Heures de la fenaison, deux siècles auparavant, est à peine moins idéalisée. Dans un pré en bordure de Seine s'activent avec un râteau des dames fort joliment vêtues tandis que les faucheurs coupent le foin en position décalée, inclinés sur leur faux. De l'autre côté du fleuve s'étend le Palais de la Cité. A droite, la Sainte Chapelle.

Miniature du XVIème siècle ?

Miniature du XVIème siècle ?

George Sand (1804-1876) est beaucoup plus réaliste dans ce souvenir d'enfance qu'elle évoque dans Histoire de ma Vie.

Un soir la fenaison se prolongea fort tard dans la soirée. On enlevait le dernier charroi d'un pré. Il faisait clair de lune, et on voulait en finir, parce que l'orage s'annonçait pour la nuit. Quelque diligence qu'on fît, le ciel se voila, et la foudre commençait à gronder lorsque nous reprîmes le chemin de la ferme. [...] Le charroi, chargé précipitamment, était mal équilibré. Deux ou trois fois en chemin il s'écroula, et il fallut le rétablir. Nous avions de jeunes bœufs de trait que le tonnerre effrayait, et qui ne marchaient qu'à grands renforts d'aiguillon, et en soufflant d'épouvante comme des chevaux ombrageux. La bande des glaneurs et des glaneuses de foin nous avaient attendus pour aider au chargement et pour soutenir de leurs râteaux l'édifice chancelant que chaque ornière compromettait. [...] La foudre roulait avec un fracas épouvantable et le vent soufflait avec furie. On ne voyait plus à se conduire qu'à la lueur des éclairs, et le chemin était très difficile [...] Il était fort tard quand nous arrivâmes enfin par un vrai déluge.

George Sand Histoire de ma Vie (livre II)

 

Fenaison, au début du XXème siècle ?

Fenaison, au début du XXème siècle ?

Marcel Proust (1871-1922), quant à lui, est réaliste par la force des choses. Il était asthmatique au point de devoir se claquemurer dans un appartement parfaitement isolé tant les pollens le faisaient souffrir.

Partout ici on fait les foins. Vous connaissez trop Mme de Sévigné pour ne pas savoir ce qu'est le fanage. C'est une jolie chose mais qui me fait mal.

Lettre à Reynaldo Hahn

En Auvergne ?

En Auvergne ?

Aujourd'hui, un seul homme accomplit les cinq épisodes de la fenaison : fauchage, fanage, mise en andains, pressage en bottes, charroi. Il lui suffit d'atteler différents matériels à son tracteur. Et... de régler les traites que la banque ne manque pas de lui adresser régulièrement !

Juin et la fenaison
Juin et la fenaison

Publié dans Littérature

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
K
Chère Paule, c'est une plaisir de lire et voir tout que tu as collecter de la fenaison. Je connait pas le mot "faner", chez nous c'est "heuen", oder "Heuernte machen" et depuis mon enfance nous fanons chaque année dans notre petit ferme à la main et avec des machines historiques de environ 1950. C'est vraiment une joli chose :-) Mais nous avons aussi toujours peur que l'orage nous surprise. La meme chose en Bourgogne et en Bavière. Merci et à très bientot, Konstanze
Répondre
P
Chère Konstanze, j'ai vu du haut d'un téléférique des paysans bavarois faucher à la faux le précieux foin de montagne dans la région de Oberammergau, dans les Alpes bavaroises, comme autrefois, puisque le sol pentu n'y permet pas l'usage des machines.