Sils-Maria, mon voyage immobile.
Elisabeth, vous qui commentez si souvent mes articles, parfois en les illustrant de vers de Hugo, vous m'invitez à partager votre pèlerinage annuel en Suisse dans de hauts lieux nietzschéens ! Je reste pour ma part attachée à la glèbe morvandelle, dans un combat sans espoir contre le liseron. Mais je n'en prends pas moins le temps de revenir à ma bibliothèque pour en sortir Ainsi parlait Zarathousthra de Nietzsche, édition Le Club français du Livre, 1958.
A sa sœur Elisabeth, Nietzsche parle dans sa correspondance d'une terre promise. Et il la décrit dans Le Voyageur et son ombre comme la patrie de toutes les nuances argentées de la nature.
Il y revient entre 1881et 1888 Et loge dans cette maison qui est aujourd'hui transformée en musée.
Il avait démissionné de son poste universitaire de Bâle en 1879, souffrant de graves migraines. Sils-Maria l'accueille. Au bord de l'eau, il se sent libre de toutes les formes d'oppression et de contrainte.
Il y a certainement beaucoup de choses plus grandes et plus belles dans la nature, mais ceci est plus étroitement et intimement parent avec moi, j'y suis lié par les liens du sang, par plus encore !
Un jour près de son rocher, il a l'inspiration de ce qui deviendra Also sprach Zarathousthra / Ainsi parlait Zarathousthra..
J'étais assis là dans l'attente - dans l'attente de rien, par-delà le bien et le mal, jouissant tantôt de la lumière, tantôt de l'ombre, abandonné à ce jeu, au lac, à midi, au temps sans but. Alors, ami, soudain un est devenu deux-- Et Zarathousthra passa auprès de moi...
Sur le rocher a été fixée une plaque de bronze avec, gravé le chant de Zarathousthra :
O Homme ! Prends garde !
Que dit le minuit profond ?
"J'ai dormi, j'ai dormi -
D'un rêve profond je me suis éveillé : -
Le monde est profond,
Est plus profond que ne le pensait le jour.
Profond est son mal - ,
La joie - plus profonde que la peine du cœur :
La douleur dit : Passe !
Mais toute joie veut l'éternité - ,
- veut la profonde, profonde éternité ! -
(Trad. Marthe Robert, 1958)
S'impose alors à l'esprit le poème de Baudelaire Élévation :
Au-delà des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers, (...)
Mon esprit, tu te meus avec agilité.
D'autres regards que ceux du poète captent les mêmes images que lui : les hommes passent, non les paysages.
P@ule a enfin pu corriger son texte (rétablir le trait d'union de Sils-Maria) et ajouter la photo du rocher gravé. Encore faut-il préciser que les photos sont d'Elisabeth.