Pour ce que rire...
François Rabelais. Anonyme (XVIIe siècle) Musée de Versailles.
Nul n'ignore le bonhomme, tant l'adjectif rabelaisien est entré dans le langage courant, enfin un brin cultivé tout de même. Et pourtant on lui donne un sens simplifié qui ne rend guère compte de la richesse du génie de Rabelais. On a même pu dire qu'il préfigure certains aspects de notre monde par son anticonformisme et surtout sa curiosité, son appétit de connaître dans un monde en évolution constante.
La Devinière, sa maison natale, au début du XXe siècle.
Il est sans doute né dans cette métairie près de Chinon. Quant à la date, elle est supposée en 1483 ou 1494. C'est la Touraine, la campagne aux formes douces, qu'il appelait son païs de vaches. Pays de vignoble aussi.
La Devinière, restaurée. Et l'ensemble des bâtiments.
Accolée à la maison, la fuÿe, le colombier, immense.
La fuÿe, et l'arrière de la Devinière.
L'originalité de l'œuvre de Rabelais - et tout particulièrement du Gargantua - tient à cet art de faire vivre le monde rural, le monde de la vigne, des bergers, des fouaciers ( boulangers). Il imagine une grande querelle entre les bergers et les fouaciers, ces derniers refusant de vendre de leurs fouaces à ces paysans qu'ils méprisent, les premiers leur en ayant demandé à acheter au prix du marché. Car notez que c'est viande céleste manger à déjeuner raisins avec fouace fraîche...
Son "païs de vaches"!
Et de vigne également.
Mais Rabelais a surtout été un homme d'études, en même temps qu'un moine qui a changé plusieurs fois d'ordre : franciscain puis bénédictin, qui s'initie à l'étude du grec grâce au nouveau développement de l'impression des livres. La Sorbonne l'interdit. Sa chance alors vient de protecteurs successifs qui lui permettront de passer du monde régulier au séculier. Il deviendra médecin à Montpellier et suivra à ce titre le futur cardinal Jean du Bellay à Rome lequel lui sera un protecteur puissant.
Frontispice de sa première œuvre " Pantagruel."
C'est pour dérider les malades qu'il soigne à Lyon qu'il entreprend d'écrire une sorte de roman drolatique Pantagruel (1532) dont il emprunte le gigantisme aux contes de Gargantua vendus par les colporteurs. Le succès est immédiat. La condamnation de La Sorbonne aussi ! Le voyage à Rome arrive à point nommé... Deux ans plus tard il récidivera avec Gargantua. Le père de Pantagruel ! On remonte la dynastie d'un degré ! Gigantisme, oui, mais surtout occasion d'affirmer des idées nouvelles, notamment dans l'éducation. C'est dans Pantagruel que Rabelais avait écrit la fameuse formule Sapience n'entre point en âme malivole et science sans conscience n'est que ruine de l'âme.
Gargantua à l'étude - selon Doré (XIXe siècle)
Quoique condamné aussi, Gargantua aura un succès immense. Douze ans plus tard, ce sera le Tiers-Livre avec le héros Panurge, savant mais mauvais plaisant ... Aux condamnations succèdent les voyages à Rome avec le cardinal ou avec son frère Guillaume du Bellay.
Le Quart-Livre paraît en 1548 puis 52 avec le fameux épisode des moutons de Panurge qui se venge du marchand qui le méprisait !
Le mouton acheté par Panurge jeté à l'eau, tout le troupeau le suit. (Doré)
Un Livre-Cinquième paraîtra en 1564. Après la mort de Rabelais - sans qu'on en connaisse la date exacte (1553? 1554?). L'authenticité en est fortement mise en doute. Au moins donne-t-il la réponse de la Dive Bouteille que voulait interroger Panurge, à savoir Trinch !
Ce beau point d'exclamation dans le ciel cet été me semble illustrer la philosophie de Rabelais telle qu'elle paraît au début du Gargantua
Mieux est de ris que de larmes écrire
Pource que rire est le propre de l'homme
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