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Une mode récente tente d'imposer un emploi de la voyelle "e" pour donner à des mots de genre masculin désignant des emplois que remplissent les femmes aussi bien que les hommes. On parle d'orthographe inclusive lorsqu'on intercale un trait d'union entre le mot masculin et le "e" censé le féminiser. On aboutit parfois à des résultats surprenants qui ne correspondent plus à la prononciation de la chose écrite : des infirmier-e-s... Dans ce cas il s'agit de mots qu'on a pu aisément féminiser, même si, en principe, la préfère désignait la femme du préfet et la mairesse la femme du maire.
Une autre hardiesse semble avoir gain de cause malgré le barbarisme orthographique.
La voyelle "e" est dite muette lorsqu'elle est finale car elle ne se prononce pas ; elle est sourde lorsqu'au milieu d'un mot elle s'intercale entre des consonnes qu'on ne saurait prononcer d'une seul émission de voix : un(e) fenêtre, un(e) brebis. Elle est souvent la marque finale d'un mot féminin, pas toujours pourtant, voire pour des emplois d'hommes traditionnellement. Cf. gendarme, page, trompette, guide. Avec le féminin le mot change de sens : trompette, guide, page sont des choses.
Il est intéressant de savoir que le "e" français est issu du "a" latin, et de sa première déclinaison du type "Rosa, la rose". Or les anciens latinistes se souviennent d'avoir appris les exceptions de cette déclinaison : mots masculins bien que terminés en "a" et désignant des métiers d'hommes. agricola, nauta, pirata, poeta, scriba. Le piège en thème était d'accorder l'adjectif au masculin ! bonus agricola : le bon paysan ; malus pirata, le mauvais pirate, doctus poeta, le savant poète...
Ainsi avons-nous un "e" final pour les mots français qui en sont dérivés et tant pis si les premiers astronautes n'étaient pas des femmes.
Or puisque le français est issu en grande partie du latin, il est tributaire de ses déclinaisons qui, à partir de la 3e n'ont plus de forme différenciée selon le genre, n'ont plus de "a" final féminin. Ainsi tous nos mots désignant des professions se terminant en "-eur" sont issus de la forme "-orem" et ne peuvent en aucun cas s'adjoindre un "e" à moins de s'accommoder d'un barbarisme. Le contexte indique si "auteur", "professeur" etc désigne un homme ou une femme.
Ou alors faudra-t-il écrire "gendarm" sans e pour signifier qu'il s'agit d'un homme ? Certes l'ange est réputé asexué, le mot n'en est pas moins masculin et terminé par un "e". C'est que la langue française nécessite un e final pour soutenir deux consonnes. Automne (de automnum) sans e deviendrait auton.
Et pour soutenir mon propos, voici le sourire de l'ange de Reims autant de mots masculins pour traduire toute la féminité de cette sculpture.
Je ne reviens pas sur les mots architecte, dentiste, géomètre etc.. ni sur ceux qui changent de sens en changeant de genre comme livre, aigle, voile, foudre,...
Il suffit de constater que le français n'a pas de genre neutre comme le latin qui pouvait éventuellement différencier les mots... Il faut aussi se souvenir que "homme" vient de homo, être humain. Les latins avaient le mot vir pour désigner l'être masculin, viril. Le mot français a un sens très large. Aussi lorsqu'un ministre veut remplacer "homicide" par "féminicide" au cas où la victime est une femme, on s'étonne.
On me dit qu'en Allemagne on avait proposé de remplacer- heureusement sans suite- le beau mot de "Vaterland" (patrie) par Mutterland et "Brüderlichkeit" (fraternité) par une espèce de sororité allemande, qui serait peut-être Schwesterlichkeit ...