Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848

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Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848

Le tombeau de Chateaubriand

En face des remparts, à cent pas de la ville, l'ilôt du Grand-Bay se lève au milieu des flots. Là se trouve la tombe de Chateaubriand ; ce point blanc taillé dans le rocher est la place qu'il a destinée à son cadavre.(...)

Il dormira là-dessous, la tête tournée vers la mer ; dans ce sépulcre bâti sur un écueil, son immortalité sera comme fut sa vie, déserte des autres et tout entourée d'orages. Les vagues avec les siècles murmureront longtemps autour de ce grand souvenir ; dans les tempêtes, elles bondiront jusqu'à ses pieds, où les matins d'été, quand les voiles blanches se déploient et que l'hirondelle arrive d'au-delà des mers, longues et douces, elles lui apporteront la volupté mélancolique des horizons et la caresse des larges brises.

Gustave Flaubert en voyage en Bretagne en 1847 devant le Grand-Bé choisi par Chateaubriand dès 1828.

Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848

François-René de Chateaubriand,

Peint en 1828 par Delaval.

Chateaubriand est né à Saint-Malo le 4 sept. 1768. Le château de Combourg accueille la famille en 1784-86. Après un voyage en Amérique, il revient lors de l'arrestation de Louis XVI. Blessé dans l'armée des émigrés, il s'exile en Angleterre. Il deviendra ambassadeur après la Révolution et ses ouvrages lui apporteront la gloire. Il mourra à Paris le 4 juillet 1848 et son œuvre maîtresse, les Mémoires d'Outre-Tombe, commencée en 1809, paraîtra entre 1848 et 1850.

Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848

Le château de Combourg

Partout silence, obscurité et visage de pierre, voilà le château de Combourg... A huit heures, la cloche annonçait le souper. Après le souper, dans les beaux jours, on s'asseyait sur le perron... Ma mère, Lucile et moi, nous regardions le ciel, les bois, les derniers rayons du soleil, les premières étoiles. A dix heures l'on rentrait et l'on se couchait.

Les soirées d'automne et d'hiver étaient d'une autre nature. Le souper fini et les quatre convives revenus de la table à la cheminée, ma mère se jetait, en soupirant sur un vieux lit de jour de siamoise flambée... Je m'asseyais auprès du feu avec Lucile... Mon père commençait alors une promenade qui ne cessait qu'à l'heure de son coucher...

Le reste de la soirée, l'oreille n'était plus frappée que du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et du murmure du vent.

Dix heures sonnaient à l'horloge du château : mon père s'arrêtait... Il tirait sa montre, la montait, prenait un grand flambeau d'argent... et s'avançait vers sa chambre à coucher, dépendante de la petite tour de l'est.

Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848

Le château de Montboissier

La grive de Montboissier.

Chateaubriand, entendant le gazouillement d'une grive dans le parc de Montboissier, retrouve une impression qui fait rejaillir ses souvenirs.

"Transporté subitement dans le passé, je revois ces campagnes où j'entendis si souvent siffler la grive. Quand je l'écoutais alors, j'étais triste de même qu'aujourd'hui ; mais cette première tristesse était celle qui naît d'un désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience ; la tristesse que j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l'oiseau des bois de Combourg m'entretenait d'une félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable."

Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848

Athènes au soleil levant

Dans " L'Itinéraire de Paris à Jérusalem "(1811), l'auteur médite devant le spectacle des vestiges d'Athènes sur la fuite du temps :

" Ce spectacle que je contemplais avait été contemplé par des yeux fermés depuis deux mille ans. Je passerai à mon tour : d'autres hommes aussi fugitifs que moi viendront faire les mêmes réflexions sur les mêmes ruines."

De même, à Montboissier, avant d'entendre la grive, il médite sur sa solitude :

"À la percée d'un fourré, je m'arrêtai pour regarder le soleil : il s'enfonçait dans les nuages au-dessus de la tour d'Alluyes, d'où Gabrielle, habitante de cette tout, avait vu comme moi le soleil se coucher il y a deux cents ans. Que sont devenus Henri et Gabrielle ? Ce que je serai devenu quand ces Mémoires seront publiés."

Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848

Portrait de Chateaubriand par Girodet

Fin des Mémoires.

"Adieu au monde.

Grâce à la exorbitance de mes années, mon monument est achevé... Des orages nouveaux se formeront ; on croit pressentir des calamités qui l'emporteront sur les afflictions dont nous avons été comblés... Le monde ne saurait changer de face ( et il faut qu'il change) sans qu'il y ait douleur (...) ce sera la grande révolution allant à son terme. Les scènes de demain ne me regardent plus ; elles appellent d'autres peintres...

Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne le reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse, après quoi je descendrai hardiment, le Crucifix à la main, dans l'Eternité."

Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848
Chateaubriand, 80 ans, 4 juillet 1848
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P
Trois fautes de frappe impossibles à corriger... Italique maintes fois supprimé...
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S
Quelle douce poésie.. Encore merci pour ce magnifique blog
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