Étoile de Noël et doigts de fée
Une étoile en dentelle m'est arrivée un jour d'Allemagne. La dentelle s'y nomme Spitze, ce qui signifie "pointe" ou "pointue". Et j'ai réalisé que le mot français "dentelle" signifiait "petite dent" ! Quelle idée originale d'avoir réalisé les pointes de l'étoile en dentelle.
Avant la mécanisation du XIXème siècle, les femmes aux doigts de fée, dentelières au logis, crochetaient le fil pour réaliser de petites merveilles. En certaines régions, elles réalisaient leurs arabesques élégantes sur un carreau où des épingles dessinaient des motifs et le fil ininterrompu des fuseaux s'y croisait et entrecroisait pour les plus beaux ornements des autels et des grands de ce monde.
Voici l'étoile de Noël qui oriente désormais la route des Mages. Ils ont encore une douzaine de jours à regarder l'étoile pour aller là où elle veut les conduire. Le sculpteur Gislebert a allégé la pierre de son ciseau pour donner 8 branches à l'étoile. Bien plus légère, bien plus fine est la dentelle venue d'une ville dentellière de Saxe, Plenau, proche de la frontière tchèque.
Les dentelles aux fuseaux sont nées en Italie puis en Flandre pour se répandre dans toute l'Europe. Dentelles du Puy, de Calais, de Venise, du Brabant, d'Alençon, de Valenciennes, de Tulle, de Chantilly...
Quand le tsar Pierre le Grand (1672-1725), grand voyageur, a visité les Pays-Bas, l'Angleterre, la France, il s'est émerveillé des dentelles portées par les rois et les grands seigneurs. Ainsi a été créé à Novgorod un atelier dirigé par des dentelières du Brabant. Bientôt a été créé de même un atelier au Kremlin
Voici un exemple de dentelle russe...
J'ose ajouter un boléro de même style, non terminé, qui dort dans mes trésors sans que je sache quand il a été réalisé, ni par qui, ni pour qui. La beauté de l'exécution le rend digne des plus belles demoiselles...
Nous voici donc encore à évoquer la Russie dont le cher Bernard a tant aimé la langue, et sa musique, et la littérature. Le dernier récital de ARION a été consacré en sa mémoire aux chants populaires russes. Le dernier, un poème de Pouchkine, Ya vas lioubil, (Je vous aimais,) avait quelque chose de la beauté, de la finesse et de la fragilité de ces dentelles.
Je vous aimais, et mon amour peut-être dans mon âme n'est pas encore entièrement éteint...
Je vous aimais en silence, sans espoir, tantôt timide, tantôt en grande jalousie...
Et puisque nous ne quittons pas les routes scintillantes de la Russie, j'emprunterai l'exorde du Père Michel-Marie Zanotti Sorkine paru sur internet
Seule la poésie des choses soulève notre vie - la vraie poésie, celle qui, touchant le cœur, le fait pleurer de joie, d'émotion, de ravissement. Nous avons besoin de beauté pour vivre, et Dieu le sait. Vous connaissez le mot paradoxal de Dostoïevski... "L'humanité peut vivre sans la science, elle peut même vivre sans pain, mais sans la beauté elle ne pourra plus vivre, car il n'y aurait plus rien à faire au monde. Tout le secret est là."