Il est des lieux qui enchantent...
Le Bas-Perçon porte un nom curieux issu de la langue médiévale : « parçon » désigne une part d’héritage, une dot. Le XXe siècle confirme ce sens : cette petite forêt du Morvan était échue en héritage au peintre sculpteur Louis de Monard (1873-1939), de sa mère Gabrielle de La Grange (1846-1921).
Les hommes passent, les lieux survivent...
4e de couverture du recueil
« Les Contes du Bas-Perçon »
A flanc de colline, au pays des terres maigres, s’étire doucement le Bas-Perçon : quelques hectares de bois, un étang tout petit où les grosses carpes apprivoisent le brochet. Quand le vent du Morvan a passé le jour des Rameaux, il s’essouffle sur les dernières feuilles rouillées des chênes et le soleil bourguignon fait bourgeonner les marsaults.
Là bat le cœur d’une tribu qui s’y installe volontiers entre châtaignier et mélèzes, dérangeant les geais, les agasses ou les écureuils.
Qu’on y goûte le silence ou les éclats de rire, qu’on réveille l’écho à son de trompe ou qu’on chuchote en tisonnant le brasier, la terre communique des émotions où l’âme des ancêtres a sa part.
Rien d’étonnant alors qu’une musique en éclose.
Le Bas-Perçon est un petit bois que Luc a hérité de son grand-père, en un lieu encore protégé de l’affluence de la ville (...) Il est niché à flanc de coteau dans un replat où des sources ont alimenté un petit étang. L’eau claire descend ensuite en pente rapide, après avoir creusé son sillon entre deux versants couverts de feuillus. (...)
Quel dommage de quitter cette végétation luxuriante du mois de mai ; il fait un temps à n’y pas croire ; le sentier forestier est bordé de fleurs étagées, depuis le trèfle rouge au ras du sol jusqu’au « Sceau de Salomon » que les ombelles du panais tentent de dominer ; les renoncules donnent à mi-hauteur des jonchées d’or. Les pousses de printemps rehaussent d’un vert tendre la masse sombre des mélèzes.
(Les Sycophantes pp.19 et 20)
La chienne Marphyze s’en donnait à cœur joie dans le Bois des Bouleaux, sachant bien que son maître lui appartenait entièrement. Elle vivait confusément ce bonheur partagé et suivait, le nez au sol, un entrelacs invisible de pistes pleines d’odeurs...
Les deux complices prirent donc le chemin du Bas-Perçon où l’on débusquait parfois de si beaux capucins. Déjà apparaissait l’étang au bord duquel se dressait la silhouette du vieux châtaignier. Des bogues éclatées s’ouvraient en étoile libérant leurs fruits luisants.
Extrait de « Des Lys et des Illusions » p.11.
Le châtaignier est plus que centenaire. Victime de grandes tempêtes au fil des saisons, il a perdu plusieurs branches charpentières.
Ronsard savait rappeler la menace qui pèse sur les arbres comme sur les hommes :
« Or vis, gentil aubépin,
Vis sans fin,
Vis sans que jamais tonnerre,
Ou la cognée, ou les vents
Ou les temps
Te puissent ruer par terre. »
Dans un talus pousse un pin laricio, pin de Corse, rareté sur le continent ; un immense pin maritime lui a longtemps tenu compagnie ; mais les vents et les temps ont eu raison de lui, lui que l’on désignait comme une autre rareté.
Les textes cités sont de Pauline Baroiller.