Il y a 310 ans, Bossuet
Bossuet par Hyacinthe Rigaud (Louvre)
Il y a 310 ans mourait Jacques-Bénigne Bossuet à Paris. Il était né à Dijon le 27 septembre 1627 dans une famille de magistrats, de la très bonne bourgeoisie bourguignonne. Et comme Roger de Bussy - qui a 9 ans de plus que lui ! - il est le bon élève des Jésuites : leur excellente éducation procurait cette culture classique si difficile et si riche : la connaissance des philosophes, orateurs, poètes, dramaturges grecs et latins façonnait les futurs auteurs. Ainsi Bossuet devint-il le plus grand prédicateur connu.
Portrait par Rigaud
Le jeune Bossuet devait être un fameux travailleur puisque ses condisciples dijonnais le surnommaient de ce jeu de mots latin : bos suetus aratro, le bœuf accoutumé à la charrue ! Puis c'est au collège de Navarre qu'il poursuit ses études jusqu'au doctorat en théologie, à Paris, soit dans l'ancien emplacement de l'Ecole Polytechnique.
Plan du XVIe siècle Paris, pays latin
En 1648, il a été ordonné sous-diacre à Langres, évêché dont il relevait puisque Dijon n'a été érigé qu'en 1731. Après avoir été archidiacre à Metz, le voici appelé à Paris par Vincent de Paul en 1659 - dont il admire la prédication et qu'il est allé souvent entendre prêcher.
Il est chargé du Carême du Louvre prononcé devant le roi et la cour : en 1662 il dit le fameux Sermon sur la Mort.
"On n'entend dans les funérailles que des paroles d'étonnement de ce que ce mortel est mort. Chacun rappelle en son souvenir depuis quel temps il lui a parlé et de quoi le défunt l'a entretenu ; et tout d'un coup il est mort. Voilà, dit-on, ce que c'est que l'homme. (Exorde)
Il n'a que 35 ans lorsqu'il prononce à Saint-Denis le 21 août 1670 l'oraison funèbre de Madame, Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, fille de Henriette de France, petite-fille de Henri IV, épouse de Monsieur, frère du roi.
Tout le monde connaît le sommet de la première partie :
"O nuit désastreuse ! ô nuit effroyable où retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : MADAME se meurt ! MADAME est morte !"
Et il y faut le professeur de lettres pour souligner l'allitération en T et rappeler le sens fort de "étonnante"... sans oublier le passage du verbe actif au passif.
Puis : " Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré."
Alors le professeur invite à constater la gradation dans le nombre - (et dans les syllabes de 2 à 6) qui s'inverse dans l'importance de ceux que frappe le deuil....
Et parfois les élèves sentent la force de l'éloquence qui laisse mourir la voix sur "Tout est désespéré".
Pompe funèbre. Gravure de Lepautre 1670
Il emprunte ensuite la poésie du Psalmiste en d'autres termes que le Sermon sur la Mort "MADAME cependant à
a passé du matin au soir, ainsi que l'herbe des champs ; le matin elle fleurissait, avec quelles grâces, vous le savez ; le soir nous la vîmes séchée..."
Armes de Madame, duchesse d'Orléans
Cette même année 1670, Bossuet est appelé par Louis XIV à la charge de précepteur du Dauphin. Pour ce médiocre élève il écrira de grands ouvrages dont le Discours sur l'Histoire universelle. Et en 1680 il est élu évêque de Meaux. D'où cette périphrase L'aigle de Meaux.
Mais... n'étant pas noble, il ne sera jamais archevêque comme Fénelon "le Cygne de Cambrai".
Monument sculpté par Dubois (1863-1930) dans la cathédrale St-Etienne de Meaux.
Bossuet, mort en 1704, fut enterré dans sa cathédrale de Meaux.
Il n'était donc plus de ce monde pour prononcer en 1715 l'oraison funèbre de Louis XIV. Ce fut Jean-Baptiste Massillon (1663-1742), évêque de Clermont qui commença ainsi :
"Dieu seul est grand, mes frères..."